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Les Kelloucq en voyage

"Ah ben dis donc"

Ma mère a des expressions bien à elle pour exprimer sa surprise, son étonnement, ce sentiment d'être perdue, ses peurs.

Souvent elle s'exclame "Ah ben dis donc" quand elle découvre un fait qu'elle avait oublié, dont l'ampleur la choque. Dans ce "Ah ben dis donc", il y a de l'incrédulité, de la désorientation, une perte des repères principaux.

"Je ne sais plus qui je suis", "Je suis mariée, veuve ou divorcée?" "J'ai eu des enfants?", me demande-t-elle à moi, sa fille, droit dans les yeux. Je sais que j'ai un "pouvoir" apaisant pour elle. Mais parfois, je doute de qui je suis à ses yeux tandis que d'autres fois, c'est très clair ("Mais tu habites à Paris. C'est pas possible que tu sois toujours avec nous").

La fluctuation est grande entre "On ne peut plus rester tous seuls", "Je n'arriverai pas à m'occuper de Claude" et leur contraire "Mais on peut bien se débrouiller tous seuls, avec les repas qui sont livrés". Ces allers-retours sont surprenants : on a du mal à accepter que quelqu'un puisse bien saisir la situation à un moment et être complétement déconnectée de la réalité un peu plus tard. Accepter cette fluctuation est indispensable pour vivre paisiblement avec quelqu'un qui a des troubles cognitifs importants. Sinon c'est la frustration et la colère assurées. Au contraire, apprécier les moments positifs et prendre les moments de confusion comme ils viennent permet de rester calme et de contribuer à l'apaisement de l'autre.

Souvent une thématique s'incruste dans son esprit et produit une inquiètude en boucle qui n'est pas accessible à la raison. C'est particulièrement vrai le soir. "Je n'ai pas fermé la maison" ou "Je n'ai pas dit où j'étais" ou encore "Tu as dit que tu allais partir". Si elle est couchée, elle peut se relever 3 fois, 4 fois, 5 fois, 6 fois sur ce thème et venir nous voir. La rassurer est alors très difficile car les explications logiques semblent glisser sur elle et ne pas l'atteindre. Et puis à un moment, elle doit lâcher prise et n'a plus besoin de venir se rassurer auprès de nous. Elle s'est endormie.

Le sommeil a toujours été un refuge privilégié pour ma mère. Ces temps-ci, il reste utile. Longues nuits, siestes du matin, siestes de l'après-midi la ressourcent et pendant ce temps, elle est libérée de l'anxiété. Et pendant ce temps, nous faisons une pause de notre rôle de rassurance. Autre source de rassurance, notre petit chiot qui a adopté ma mère naturellement. Tous les matins où Abricot est là, elle ressemble la découvrir avec plaisir et adore la caresser.


kelloucq le 30.05.25 à 19:46 dans Actualités - Version imprimable
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