Dimanche 11 Mai 2025
Invasion étrangère
De mon contact avec des aidants pendant un de mes stages en master (plateforme d'accompagnement et de répit des aidants), je garde certains commentaires en tête. "Notre maison est devenue un hall de gare, il y a des gens, toujours différents, qui entrent et qui sortent de chez moi", par exemple. "La maison est devenue comme une chambre d'hôpital".
Depuis 6 mois exactement que mon père est rentré de trois mois à l'hôpital, nous vivons quotidiennement en effet beaucoup de passages. Déjà avant cela, nous avions embauché une aide soignante et Emma pour s'occuper de ma mère qui ne pouvait pas rester seule. Alors comment ça fait?
Et bien oui, c'est étrange. Le passage des intervenantes du SSIAD ou de l'ADMR, c'est trois fois par jour en semaine et deux fois par jour le weekend. Je trouve les intervenantes top. Elles sont globalement douces, gentilles, professionnelles. Quand je suis là, nous discutons quelques instants, pour des sortes de transmissions rapides. Mais principalement, elles ferment la porte de la chambre et s'occupent de mon père en toute autonomie. Bien sûr, elles ont toutes leurs petites habitudes.
Il faut s'adapter aux heures de passages. Pour l'ADMR, nous avons un planning mensuel et nous savons qui passera et à quelle heure. Pour le SSIAD, nous ne savons pas. A de rares occasions, il y a des petits incohérences : l'une passe très tard et la suivante très tôt, ce qui a peu de sens. Ou bien, l'attente est un peu longue avec un passage pour la toilette à midi! Ou un passage du soir à presque 20h00. Mais là aussi, c'est rare.
Côté matériel, nous avons pu faire des aménagements bien pratiques dans la chambre qu'occupe mon père. A part, le fauteuil roulant qui trône dans le salon quand mon père ne l'utilise pas et la chaise percée qui est stockée dans une salle de bain, les espaces communs ne sont pas trop envahis de rappels de la dépendance. Et cela me semble important pour tous et en tout cas pour moi, peut-être égoïstement.
Mais ce n'est pas tout. Mes parents ont aussi une aide soignante qui est avec eux trois jours + une matinée par semaine. Et là, c'est un peu plus dur. Ce n'est pas quelqu'un qui ne fait que passer pour 30 minutes et au revoir. C'est quelqu'un qui arrive à 9h00 et repart à 17h00. C'est quelqu'un qui prépare le déjeuner, aide ma mère à s'habiller et à s'occuper, fait des lessives, vaque dans toute la maison. Cela m'est plus difficile de savoir quelqu'un dans mon espace. D'ailleurs, la porte de ma chambre est toujours fermée et j'abhorre l'idée qu'elle pourrait y rentrer.
C'est quelqu'un à qui il arrive de porter des jugements basés sur ses ressentis (il faudrait jeter ce maillot de corps qui est un peu éliminé au cou ou faire ceci ou cela). Je vis ces remarques assez mal, je dois dire. Comme des intrusions, des jugements. Je ne suis pas à l'aise avec tout cela, même si ça se passe globalement bien. Peut-être que je reporte ma colère et ma tristesse de la dépendance de mes parents sur elle et de ce qu'elle me fait vivre par richochet, comme sur un bouc émissaire. En tout cas, c'est une composante importante de ma vie actuelle.
kelloucq
- 19:46
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Vendredi 09 Mai 2025
Comme un sentiment de culpabilité
Après l'impuissance, la culpabilité. Ce "métier" d'aidant, comme celui de parents, n'est pas toujours hyper confortable. Il s'accompagne parfois d'une ribambelle d'émotions moyennement agréables. Attention, il y a aussi des émotions positives dans le lot.
Il y a 15 jours, au début de mon congé de proche aidant, j'ai finalisé et envoyé des dossiers de demande d'hébergement temporaire. On m'en a parlé avant même que mon père sorte de l'hôpital. "D'accord, vous préparez le retour à domicile. Mais il va falloir que vous fassiez des demandes anticipées en Ehpad pour avoir une solution si ça ne se passe pas bien à la maison." Six mois plus tard, ça se passe plutôt bien à la maison.
Pourtant, il nous faut envisager un peu de répit. Les deux salariées de mes parents ont besoin de prendre des vacances. Moi aussi. Depuis 9 mois, je suis sur le pont 4 ou 5 jours sur 7. Tout va bien, le congé aidant aide déjà. Mais j'ai besoin de vraies vacances, j'ai besoin de ne pas être toujours là, présente, active.
Nous en avons bien discuté en amont. Avec mon père, c'est possible d'en parler et il comprend. Avec ma mère, c'est plus délicat. En plus de ne pas retenir la conversation, il y a une inquiétude qu'elle en retienne simplement une anxiété, un flou qui va la déstabiliser.
En tout cas, avec l'aide de leur médecin traitant qui devait remplir une partie du dossier, j'ai pu compléter un dossier de demande pour chacun et les envoyer électroniquement à sept maisons de retraite grâce au site ViaTrajectoire. Processus très fluide et facile techniquement.
Emotionnellement c'est autre chose. "Tu les abandonnes, tu te débarrasses d'eux, tu ne peux pas faire ça." Je les imagine, surtout j'imagine ma mère, complètement perdue, ne comprenant pas ce qu'elle fait dans un nouvel endroit inconnu. Etrangement, jusqu'à cet instant où j'écris, je n'ai pas imaginé le départ de la maison et l'arrivée sur place. Juste les savoir ailleurs pendant que je reprendrai un peu de liberté, indispensable, mais il me semble difficile en amont de profiter pleinement.
Etonnament, j'ai eu immédiatement deux appels suite à l'envoi du dossier. Déjà une visite où j'ai beaucoup hésité à aller avec ma mère. Son verdict : "C'est très accueillant ici, mais je ne veux pas y venir". Une deuxième visite est prévue dans quelques jours. Je suppose que je devrais aussi relancer les autres établissements qui n'ont pas répondu.
Cette étape qui semblait si difficile est passée. J'ai appuyé sur "Envoyer" et rien de terrible ne s'est passé. J'ai visité une maison avec ma mère et elle n'a pas été trop troublée les jours suivants (enfin, si, elle était troublée les jours suivants, mais pas plus que d'habitude et sans qu'on puisse établir de lien direct entre la visite et le thème de ses inquiétudes).
Affaire à suivre...
Il y a 15 jours, au début de mon congé de proche aidant, j'ai finalisé et envoyé des dossiers de demande d'hébergement temporaire. On m'en a parlé avant même que mon père sorte de l'hôpital. "D'accord, vous préparez le retour à domicile. Mais il va falloir que vous fassiez des demandes anticipées en Ehpad pour avoir une solution si ça ne se passe pas bien à la maison." Six mois plus tard, ça se passe plutôt bien à la maison.
Pourtant, il nous faut envisager un peu de répit. Les deux salariées de mes parents ont besoin de prendre des vacances. Moi aussi. Depuis 9 mois, je suis sur le pont 4 ou 5 jours sur 7. Tout va bien, le congé aidant aide déjà. Mais j'ai besoin de vraies vacances, j'ai besoin de ne pas être toujours là, présente, active.
Nous en avons bien discuté en amont. Avec mon père, c'est possible d'en parler et il comprend. Avec ma mère, c'est plus délicat. En plus de ne pas retenir la conversation, il y a une inquiétude qu'elle en retienne simplement une anxiété, un flou qui va la déstabiliser.
En tout cas, avec l'aide de leur médecin traitant qui devait remplir une partie du dossier, j'ai pu compléter un dossier de demande pour chacun et les envoyer électroniquement à sept maisons de retraite grâce au site ViaTrajectoire. Processus très fluide et facile techniquement.
Emotionnellement c'est autre chose. "Tu les abandonnes, tu te débarrasses d'eux, tu ne peux pas faire ça." Je les imagine, surtout j'imagine ma mère, complètement perdue, ne comprenant pas ce qu'elle fait dans un nouvel endroit inconnu. Etrangement, jusqu'à cet instant où j'écris, je n'ai pas imaginé le départ de la maison et l'arrivée sur place. Juste les savoir ailleurs pendant que je reprendrai un peu de liberté, indispensable, mais il me semble difficile en amont de profiter pleinement.
Etonnament, j'ai eu immédiatement deux appels suite à l'envoi du dossier. Déjà une visite où j'ai beaucoup hésité à aller avec ma mère. Son verdict : "C'est très accueillant ici, mais je ne veux pas y venir". Une deuxième visite est prévue dans quelques jours. Je suppose que je devrais aussi relancer les autres établissements qui n'ont pas répondu.
Cette étape qui semblait si difficile est passée. J'ai appuyé sur "Envoyer" et rien de terrible ne s'est passé. J'ai visité une maison avec ma mère et elle n'a pas été trop troublée les jours suivants (enfin, si, elle était troublée les jours suivants, mais pas plus que d'habitude et sans qu'on puisse établir de lien direct entre la visite et le thème de ses inquiétudes).
Affaire à suivre...
kelloucq
- 05:47
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Dimanche 13 Avril 2025
Congé proche aidant ≠ vacances
Me voilà pendant deux mois en "congé proche aidant".
De quoi s'agit-il? "Le congé de proche aidant permet au salarié de s'occuper d'une personne handicapée ou âgée ou en perte d'autonomie. Ce congé est accessible sous conditions (lien familial ou étroit avec la personne aidée, résidence en France de la personne aidée) et pour une durée limitée....Il permet au salarié de cesser temporairement son activité professionnelle pour s'occuper d'une personne handicapée ou invalide ou en perte d'autonomie ou âgée ou avec laquelle il réside ou entretient des liens étroits et stables."
Voici les textes officiels : le congé proche aidant, le congé proche aidant quand on travaille dans la fonction publique, mais aussi sur l'Allocation Journalière du Proche Aidant (Ajpa) de la CAF. S'il a été facile d'obtenir le congé auprès de mon employeur, je n'ai pas encore fait les démarches pour l'Ajpa et c'est à voir si je vais m'en occuper car les dossiers commencent à me sortir par les yeux.
On peut prendre un maximum d'un an de congé proche aidant dans une carrière. Par contre, l'Ajpa est versée dans la limite de 66 jours sur toute une carrière professionnelle (elle s'élève à 65,80 euros par journée au 1er janvier 2025). Cherchez l'erreur! Quand on vous dit que les proches aidants portent un poids, entre autre financier, en voici une preuve.
J'ai donc cessé pour deux mois mon activité à l'hôpital à Paris. Pendant ces deux mois, je continue mon activité libérale dans la ville de mes parents, mais je serai beaucoup plus présente et moins tiraillée entre mes deux vies avec du temps dédié à eux et aussi j'espère à prendre un peu de repos pour moi. Un repos que je considère comme très mérité après 8 mois d'un rythme très soutenu. L'objectif est de mener à bien plusieurs projets les concernant, sans être sans cesse en train de faire deux choses en même temps (passer des appels concernant mes parents pendant ma pause déjeuner par exemple). Je veux du temps de qualité.
Notamment je pense faire plus de choses avec ma mère qui est très mobile, mais ne bouge pas beaucoup car si une personne s'occupe d'eux deux, il n'est pas possible de bouger. J'envisage même de l'emmener à Paris passer deux jours, un séjour comme elle n'en a pas fait depuis un bon moment. Cela me semble juste qu'elle est plus de distraction et en même temps, je me sens déjà coupable de laisser mon père dans sa "prison". Le rôle daidant, comme celui de parent, est un exercice en culpabilité incessante!
En tout cas, n'allez pas me dire que je suis en vacances pendant deux mois. Cela me mettrait très en colère.
kelloucq
- 21:51
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Samedi 05 Avril 2025
Accepter l'impuissance
Ce dont j'ai envie de parler aujourd'hui est difficile à illustrer d'une photo. Car illustrer la frustration, l'impuissance, l'incompréhension, le mal-être est difficile. Alors je choisis quand même cette photo de mon père dans un moment agréable.
Accompagner une personne qui est passée de l'autonomie à la dépendance en quelques heures n'est pas facile. Qui plus est quelqu'un d'actif qui n'arrêtait pas une seconde malgré l'emprise grandissante de la maladie de Parkinson. La douleur de mon père est physique et psychologique, son mal-être est général. Chacun réagit comme il peut à un tel bouleversement et situation nouvelle, frustrante, injuste et sans espoir d'amélioration. On ne peut d'ailleurs s'empêcher de se demander comment on réagirait soi-même, en pareilles circonstances.
Mon père qui ne se plaignait guère se plaint maintenant souvent. Ses plaintes sont exprimées devant nous qui nous occupons de lui au quotidien, devant les intervenantes extérieures (un seul homme parmi le personnel du SSIAD et de l'ADMR, sans surprise), devant la famille et les amis qui viennent nous voir.
Il exprime souvent son mal-être par des demandes d'aide incessantes. Comme aucune position n'est jamais confortable très longtemps, ses demandes se multiplient. "Mets-moi au lit", "Je veux aller dans le fauteuil", "Je serais mieux sur le bord du lit". Et mille autres formes de demandes d'attention. Il ne peut pas faire tout seul, il nous demande donc de faire pour lui. Comme il est presque constamment intranquille quand il est éveillé, il demande beaucoup et souvent.
Sa seule possibilité d'agir est de demander qu'on fasse pour lui. Physiquement, il ne peut rien commander à son corps. Par la parole, il peut encore créer du changement, du mouvement, de l'action. Et donc mon père ne se prive pas de nous faire courir dans tous les sens! Selon l'heure du jour et de la nuit, selon les circonstances, une, deux, voire trois personnes se précipitent pour répondre à sa demande et faire ce qu'il demande.
Dans un autre cadre, je me suis rendue compte il n'y a pas si longtemps que, souvent, les gens qui peuvent nous peser ont tendance sans le vouloir à nous faire vivre ce qu'ils vivent eux-mêmes, leur propre frustration et impuissance. Ils nous font faire l'expérience de ce qu'ils vivent et de ce qui les ronge. Je crois que ce constat s'applique pleinement ici.
Pour les autres qui ne vivent pas au quotidien avec lui, cette expression de son mal-être est difficile à constater et à ressentir. Ils ont envie d'agir eux aussi. Ca s'est un peu calmé, mais ça revient régulièrement. Selon leur position, ils font appel à leur imagination pour proposer une solution qui viendrait soulager et mon père et eux qui vivent sa frustration. Qui une nouvelle crème, qui un nouvel engin, un nouveau matelas ou fauteuil. Ils veulent tous arrêter de ressentir cette énorme frustration de voir leur patient, leur proche, leur ami souffrir.
Bien sûr nous sommes preneurs d'idées qu'elles viennent des professionnels ou des proches. Mais nous savons aussi que, malheureusement, le soulagement est souvent éphémère. Si au début nous nous précipitions pour accomplir chaque suggestion, je prends aujourd'hui plus de recul. Non, je ne suis pas insensible à la souffrance de mon père. Je suis juste devenue réaliste par l'expérience des derniers mois : on ne peut pas tout changer constamment. Par ailleurs, j'affirme de plus en plus (surtout à Emma et à Anne) que nous pouvons lui demander d'attendre, de patienter, de donner une chance à une nouvelle solution avant de l'abandonner pour une autre ou pour un retour en arrière.
Un autre effet de cette envie de chacun de l'aider peut avoir pour résultat de me faire sentir accusée de ne pas tout mettre en oeuvre (oui, même quand on est conscient, cette petite griffure de la culpabilité peut être mordante), de se sentir incomprise par les autres (même parfois par ceux qui ont vécu des situations similaires) et puis aussi de s'agacer quand même malgré toute la bonne volonté.
Parce que l'impuissance, en dépit de tous les efforts et justement à cause de tous ces efforts, reste forte devant la souffrance qui n'est pas soulagée. "Je suis impuissant, mais je peux être présent", nous dit Christophe André dans ce podcast sur les idéaux de la puissance et l'adaptation au constat de l'impuissance. "Et la présence est un geste important dont le contraire serait la fuite ou l'absence. De mon mieux, je me tourne vers des actions de plus basse ambition, des gestes simples. Dans ces instants, ce qui est difficile est de renoncer aux grandes solutions, mais pas aux petites actions. La menace de l'impuissance, c'est le désespoir et la solution, c'est l'espérance."
Accompagner une personne qui est passée de l'autonomie à la dépendance en quelques heures n'est pas facile. Qui plus est quelqu'un d'actif qui n'arrêtait pas une seconde malgré l'emprise grandissante de la maladie de Parkinson. La douleur de mon père est physique et psychologique, son mal-être est général. Chacun réagit comme il peut à un tel bouleversement et situation nouvelle, frustrante, injuste et sans espoir d'amélioration. On ne peut d'ailleurs s'empêcher de se demander comment on réagirait soi-même, en pareilles circonstances.
Mon père qui ne se plaignait guère se plaint maintenant souvent. Ses plaintes sont exprimées devant nous qui nous occupons de lui au quotidien, devant les intervenantes extérieures (un seul homme parmi le personnel du SSIAD et de l'ADMR, sans surprise), devant la famille et les amis qui viennent nous voir.
Il exprime souvent son mal-être par des demandes d'aide incessantes. Comme aucune position n'est jamais confortable très longtemps, ses demandes se multiplient. "Mets-moi au lit", "Je veux aller dans le fauteuil", "Je serais mieux sur le bord du lit". Et mille autres formes de demandes d'attention. Il ne peut pas faire tout seul, il nous demande donc de faire pour lui. Comme il est presque constamment intranquille quand il est éveillé, il demande beaucoup et souvent.
Sa seule possibilité d'agir est de demander qu'on fasse pour lui. Physiquement, il ne peut rien commander à son corps. Par la parole, il peut encore créer du changement, du mouvement, de l'action. Et donc mon père ne se prive pas de nous faire courir dans tous les sens! Selon l'heure du jour et de la nuit, selon les circonstances, une, deux, voire trois personnes se précipitent pour répondre à sa demande et faire ce qu'il demande.
Dans un autre cadre, je me suis rendue compte il n'y a pas si longtemps que, souvent, les gens qui peuvent nous peser ont tendance sans le vouloir à nous faire vivre ce qu'ils vivent eux-mêmes, leur propre frustration et impuissance. Ils nous font faire l'expérience de ce qu'ils vivent et de ce qui les ronge. Je crois que ce constat s'applique pleinement ici.
Pour les autres qui ne vivent pas au quotidien avec lui, cette expression de son mal-être est difficile à constater et à ressentir. Ils ont envie d'agir eux aussi. Ca s'est un peu calmé, mais ça revient régulièrement. Selon leur position, ils font appel à leur imagination pour proposer une solution qui viendrait soulager et mon père et eux qui vivent sa frustration. Qui une nouvelle crème, qui un nouvel engin, un nouveau matelas ou fauteuil. Ils veulent tous arrêter de ressentir cette énorme frustration de voir leur patient, leur proche, leur ami souffrir.
Bien sûr nous sommes preneurs d'idées qu'elles viennent des professionnels ou des proches. Mais nous savons aussi que, malheureusement, le soulagement est souvent éphémère. Si au début nous nous précipitions pour accomplir chaque suggestion, je prends aujourd'hui plus de recul. Non, je ne suis pas insensible à la souffrance de mon père. Je suis juste devenue réaliste par l'expérience des derniers mois : on ne peut pas tout changer constamment. Par ailleurs, j'affirme de plus en plus (surtout à Emma et à Anne) que nous pouvons lui demander d'attendre, de patienter, de donner une chance à une nouvelle solution avant de l'abandonner pour une autre ou pour un retour en arrière.
Un autre effet de cette envie de chacun de l'aider peut avoir pour résultat de me faire sentir accusée de ne pas tout mettre en oeuvre (oui, même quand on est conscient, cette petite griffure de la culpabilité peut être mordante), de se sentir incomprise par les autres (même parfois par ceux qui ont vécu des situations similaires) et puis aussi de s'agacer quand même malgré toute la bonne volonté.
Parce que l'impuissance, en dépit de tous les efforts et justement à cause de tous ces efforts, reste forte devant la souffrance qui n'est pas soulagée. "Je suis impuissant, mais je peux être présent", nous dit Christophe André dans ce podcast sur les idéaux de la puissance et l'adaptation au constat de l'impuissance. "Et la présence est un geste important dont le contraire serait la fuite ou l'absence. De mon mieux, je me tourne vers des actions de plus basse ambition, des gestes simples. Dans ces instants, ce qui est difficile est de renoncer aux grandes solutions, mais pas aux petites actions. La menace de l'impuissance, c'est le désespoir et la solution, c'est l'espérance."
kelloucq
- 17:58
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Samedi 29 Mars 2025
Gare Montparnasse
La gare Montparnasse, c'est mon "portal/portail" à la Tolkien. Le fond de l'armoire qui sert de passage, de conduit entre deux mondes. J'y entre tous les vendredis soirs et je suis transportée dans ce monde parallèle dans lequel je passe le weekend avec mes parents et le début de la semaine aussi tout en allant au travail toute la journée. Le mardi ou le mercredi soir, je le franchis à l'envers et je retrouvre la vie parisienne. Enfin une vie réduite à deux ou trois jours de travail à l'hôpital, un ou deux rendez-vous en soirée, une pièce de théâtre une fois par mois, un diner avec Gabriel, peut-être une séance à la salle de gym avec lui de temps en temps. Une vie où tout est chronométré, programmé à l'avance, sans trop d'improviste possible. Entre les deux, je ne défais jamais complétement ma valise, ni à Paris, ni en province. Je suis comme une VRP de l'aidance.
Dans le passé, cette gare était synonyme de vacances. Nous y embarquions avec les enfants pour aller passer quelques jours chez Papy et Mamie. C'était une aventure, un temps joyeux. Maintenant, elle est le point de passage, la marque d'un aller et retour incessant, d'une routine qui semble figée dans le temps même si elle ne dure que depuis novembre 2021 et, dans sa forme actuelle où les weekends ont été happés aussi, que depuis août 2024. Et oui, je fais partie de ces gens qui sont levés et au taquet à la porte avant l'arrivée en gare pour m'élancer dès que le train est à quai et grapiller quelques minutes sur mon séjour parisien. Pour arriver chez moi avant 22h30 si possible. J'ai entendu que certains nous en faisaient le reproche. Je les laisse causer.
Mais ce rythme va changer pendant deux mois. Je viens de prendre un congé proche aidant de mon travail à l'hôpital. Je vais arrêter cette navette forcenée et me poser pendant deux mois en province. Tout en continuant mon travail au cabinet deux ou trois jours par semaine, je vais gagner un peu de temps pour être auprès de mes parents et pouvoir m'occuper de certaines choses plus tranquillement.
Plus de gare Montparnasse deux fois par semaine pendant ces quelques semaines, à partir de mi-avril. Halte aux routines du vendredi soir derrière ses murs (un arrêt dans le rayon M&S du Monoprix pour des scones ou des muffins pour le petit déjeuner, un autre à la boulangerie Kayser pour une grosse miche de pain pour durer tout le weekend, enfin une pause au salon Grand Voyageur s'il reste un peu de temps pour se réconforter dans une ambiance calme avec une tasse de thé).
kelloucq
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Dimanche 23 Mars 2025
Takoyaki, d'Osaka à Saint-Denis
Cette année, la floraison des cerisiers nous transporte inévitablement au Japon où nous avons fait un séjour il y a un an tout juste, pendant la période des sakura.
Et cette semaine, en remontant la rue Saint-Denis, mes yeux sont tombés sur un restaurant que je n'avais pas remarqué jusque-là et qui sert des Takoyaki, des boulettes à la pieuvre. Nous les avons découverts l'an dernier pendant une promenade dans Tokyo dans le quartier de Shibuya, puis à Osaka d'où est originaire cette street food délicieuse. La petite touche finale, ce sont les flocons de bonite séchées qu'on parsème sur les boulettes et qui s'agitent avec l'air.
Ce fut donc un grand plaisir d'aller déguster des takoyaki rue Saint-Denis et de savoir que, si l'envie m'en reprend de nouveau, ils sont disponibles à 5 minutes de chez moi.
Et cette semaine, en remontant la rue Saint-Denis, mes yeux sont tombés sur un restaurant que je n'avais pas remarqué jusque-là et qui sert des Takoyaki, des boulettes à la pieuvre. Nous les avons découverts l'an dernier pendant une promenade dans Tokyo dans le quartier de Shibuya, puis à Osaka d'où est originaire cette street food délicieuse. La petite touche finale, ce sont les flocons de bonite séchées qu'on parsème sur les boulettes et qui s'agitent avec l'air.
Ce fut donc un grand plaisir d'aller déguster des takoyaki rue Saint-Denis et de savoir que, si l'envie m'en reprend de nouveau, ils sont disponibles à 5 minutes de chez moi.
kelloucq
- 17:28
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Samedi 15 Mars 2025
Où trouver du plaisir?
Comment garder un lien avec le monde? Comment cultiver des moments de plaisir dans une vie qui a tendance à se rétrécir?
Je suis infiniment heureuse de voir mon père reprendre goût à la lecture depuis quelques jours. Lui qui était un grand lecteur (de romans, d'essais, de magazines,...) avait perdu le goût des livres depuis son accident il y a maintenant plus de 6 mois. Des livres rapportés de la bibliothèque restaient abandonnés, sans susciter d'intérêt et d'envie. Je ne sais pourquoi une vieille copie de Bel Ami (si vieille qu'une carte postale de 1985 s'y trouvait cachée entre deux pages), un livre qui trainait à la maison, l'a aggrippé. Et je l'ai vu le dévorer, puis enchainer par de nouveaux livres. Yes! La lecture comme remède contre l'ennui, la lassitude, voire le désespoir qu'il exprime parfois.
Pour ma mère, les sources de plaisir restent plus variées. Les marches, la cuisine, les sorties peuvent procurer des moments agréables, même s'ils sont émaillés de doute existentiel. Parmi les plaisirs nouveaux, le coloriage dans des cahiers pour adultes l'aide à se concentrer et à être contente d'elle. Non, le coloriage n'est pas une activité enfantine. Il est souvent utilisé comme activité déstressante et apaisante. Et pour ma mère, cette anxieuse permanente, ça marche. Accompagnée avec quelqu'un assis à côté d'elle ou installée seule pendant que nous sommes occupés, elle se lance avec ses feutres et ses crayons de couleur. Elle s'interroge sur l'agencement des couleurs, elle se félicite ("Ce vert, ça n'a pas été facile, je suis contente"), elle s'extasie ("Il est formidable, ce crayon"), elle reste longtemps sans se poser toutes ces questions qui la hante, simplement concentrée sur cette tâche. Et cette tranquillité d'esprit temporaire est sans prix.
Je suis infiniment heureuse de voir mon père reprendre goût à la lecture depuis quelques jours. Lui qui était un grand lecteur (de romans, d'essais, de magazines,...) avait perdu le goût des livres depuis son accident il y a maintenant plus de 6 mois. Des livres rapportés de la bibliothèque restaient abandonnés, sans susciter d'intérêt et d'envie. Je ne sais pourquoi une vieille copie de Bel Ami (si vieille qu'une carte postale de 1985 s'y trouvait cachée entre deux pages), un livre qui trainait à la maison, l'a aggrippé. Et je l'ai vu le dévorer, puis enchainer par de nouveaux livres. Yes! La lecture comme remède contre l'ennui, la lassitude, voire le désespoir qu'il exprime parfois.
Pour ma mère, les sources de plaisir restent plus variées. Les marches, la cuisine, les sorties peuvent procurer des moments agréables, même s'ils sont émaillés de doute existentiel. Parmi les plaisirs nouveaux, le coloriage dans des cahiers pour adultes l'aide à se concentrer et à être contente d'elle. Non, le coloriage n'est pas une activité enfantine. Il est souvent utilisé comme activité déstressante et apaisante. Et pour ma mère, cette anxieuse permanente, ça marche. Accompagnée avec quelqu'un assis à côté d'elle ou installée seule pendant que nous sommes occupés, elle se lance avec ses feutres et ses crayons de couleur. Elle s'interroge sur l'agencement des couleurs, elle se félicite ("Ce vert, ça n'a pas été facile, je suis contente"), elle s'extasie ("Il est formidable, ce crayon"), elle reste longtemps sans se poser toutes ces questions qui la hante, simplement concentrée sur cette tâche. Et cette tranquillité d'esprit temporaire est sans prix.
kelloucq
- 19:32
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Dimanche 09 Mars 2025
Bienvenue au printemps
A la campagne, l'arrivée du printemps est tellement plus forte qu'en ville. Ca frémit pendant deux ou trois semaines et puis tout d'un coup, ça explose. Cette semaine, dans le Poitou, les jonquilles sont partout. Dans les tons jaunes toujours, les forsythia passent de 0 à 100 à l'heure. Les arbres fruitiers sont élégants en rose (je les apprécie encore plus après avoir visité le Japon à l'époque des sakura). Cette explosion de vie, avec les jours qui rallongent, fait un bien fou au moral. On sort collectivement du gris, du noir, du froid. C'est comme si on oubliait chaque année. Et chaque année, c'est une suprise, un miracle, un émerveillement.
kelloucq
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Tribune
- kelloucq : Hélène, je veux bien vous répondre, mais je ne trouve pas d'emails sur votre blog.
- catherine : hello, je viens de passer trois heures de lecture ;c'est trop top ,dirait Clément, votre parcours m'a ramené en 1986 que de souvenirs ! je vous embrasse .
- Julien : Et hop un nouveau blog dans notre BlogRoll! Sympa la "double-traducti on", mais ce serait encore plus sympa de l'annnocer : je me suis retrouver a lire tout le paragraphe en Anglais avant de me rendre compte que c'etait le meme qu'en Francais!
- kelloucq : Julien, mon blog est un blog d'habitués principalement! Je ne leur explique rien, ils savent tout.
- name :
- Mercatini di Natale : Ou on peux trouver dans le web les PC a 100 dollars en vente?
- kelloucq : Ils ont été vendus aux particuliers nord-américains pendant quelques semaines (ils devaient aussi en acheter pour une donation à un enfant). Mais en gros, ils ne sont pas pour le marché des particuliers.
- IteseeVer : Hello!
Nice site ;)
Bye - NICKNAME :
- Stephanie : Wow!
- une mamie de France :
- mamie Coco ! : Bravo ! bravo ! ! à très bientôt !
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