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Les Kelloucq en voyage

Diner avec un petit garçon juif rescapé

En 1940, G. avait un an et vivait avec sa famille rue Saint-Joseph dans le Sentier, à deux pas de chez nous. Hier soir, cet ami d’ami que nous connaissons depuis quelques années et qui vit aujourd’hui à New York est venu dîner à la maison. A la fin d’un repas très enjoué et très plaisant, nous avons évoqué son enfance et l’histoire dramatique de sa famille pendant la guerre. On peut lire des livres (Le Ô vous, frères humains d’Albert Cohen que je viens de relire ou Elle s’appelait Sarah de Tatiana de Rosnay) ou voir des films. Rien ne remplace un être humain en face de vous qui vous raconte son histoire.

L’histoire de G. est à la fois singulière et commune à des milliers d’enfants juifs de cette sombre époque. Se sachant en danger, sa famille le confie à un couple de Montreuil. Père, mère, grand-père, oncles et tantes seront tous déportés et ne reviendront pas d’Auschwitz. G. explique qu’ils partaient pensant être envoyés dans des camps de travail. Seule sa grand mère, jugée plus faible, reste sur place en se cachant dans un autre appartement du même immeuble. Elle reste aussi comme un lien pour son petit-fils. Quand les bombardements qui annoncent la libération deviennent intenables à Montreuil, la famille d’accueil part se réfugier en Charente chez un cousin, avec G. évidemment.

A la fin de la guerre, G. retrouve sa grand-mère, désormais son unique famille. Il a 5 ans. Ils partiront en Amérique du Sud, puis lui fera sa vie aux Etats-Unis. Depuis, il est revenu sur les traces du passé et a rendu visite à la famille de Montreuil et aussi à celle de Charente. Il voit toujours une survivante de cette famille qui refuse obstinément d’être considérée comme une héroïne pour avoir hébergé un enfant juif malgré le danger. Dans la rue Saint-Joseph, son ancien immeuble a été transformé en hôtel de luxe. Comme le dit la compagne de G., le plus beau est qu’il n’ait aucune rancune et qu’il ait bâti une vie positive et ouverte. Mais essayons un instant de nous mettre à la place d’un enfant dont la vie débute dans ces conditions terribles…

En parlant de se mettre à la place, on ne peut pas s’empêcher de se demander ce que nous aurions fait dans ces conditions. Aurai-je détourné la tête pour ne pas savoir ? Aurai-je collaboré ? Aurai-je trouvé le courage de me montrer à la hauteur de la situation ? Questions sans réponse.

kelloucq le 30.07.13 à 11:32 dans Actualités - Version imprimable
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