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Les Kelloucq en voyage

Escapade à Paris

Au début de ce congé proche aidant (qui se termine par ailleurs aujourd'hui même et dont je pourrais peut-être tirer un bilan bientôt), je m'étais dit que ce serait sympa d'aller passer 2-3 jours à Paris avec ma mère. J'en ai fait son cadeau de fête des mères, avec un peu de retard.

La semaine dernière, nous avons pris notre chemin. Partie aux aurores jeudi matin matin, nous sommes rentrées samedi matin, après deux jours assez intenses à Paris : rencontres avec plusieurs amies, balade au Palais Royal que ma mère aimait beaucoup quand elle s'occupait de mes enfants petits, sorties déjeuner et diner, un peu de shopping. Qu'en a perçu ma mère? Je pense qu'elle a été plutôt à l'aise, pas angoissée par ce cadre redevenu étranger. Nous n'avons pas eu de "discussion" en boucle sur ce que nous faisions là comme quand son esprit bute sur un point et ne peut passer à autre chose. Je pense qu'elle a vécu les moments assez agréablement, en confiance. Si elle avait été trop perturbée et déstabilisée, j'étais prête à rentrer plus tôt. Mais la question ne s'est pas posée du tout. Par contre, qu'en a-t-elle gardé? A peine rentrée, elle n'en avait plus de souvenir, même vague. C'est comme une pierre qui avait coulé au fond immédiatement en ne laissant même pas une ondulation à la surface du lac.

Mon père m'avait dit "Tu fais cela pour toi". Ce n'est pas complètement faux même s'il m'a semblé que c'était un peu un coup bas de sa part (exprimait-il une certaine jalousie, que je pourrais comprendre?). Je faisais cela pour nous deux, pour le moment partagé. Pour ouvrir son horizon, pour la sortir du quotidien qui l'enferme beaucoup, pour lui offrir ce qui sera sans doute son dernier voyage à Paris, pour qu'elle partage un peu ma vie, moi qui ai partagé la sienne intensément et exclusivement depuis bientôt un an. Pour remettre un peu de symétrie dans cette relation qui est devenue assymétrique depuis quelques années et encore plus dans cette nouvelle phase de dépendance. Côté souvenir, je faisais clairement cela pour moi. Pour avoir un souvenir de ma mère chez moi, dans mon quartier, en relation avec mes amies et aussi son petit-fils Gabriel, pour me la rappeler dans le monde.

En faisant le récit de notre expérience, je me mets à penser au "deuil blanc". Je vous laisse découvrir ce qu'est le deuil blanc sur ce site canadien. Ce voyage était une forme de résistance à tous les renoncements et toutes les pertes que cette maladie m'impose dans la relation avec ma mère, toujours là et pourtant déjà absente. Je me sens souvent frustrée et impuissante, parfois triste, rarement en colère contre elle ou contre la maladie, rarement dans le déni me semble-t-il, sans doute dans la peur des étapes à venir, mais trop focalisée dans le présent pour en être véritablement affectée quotidiennement. Ce voyage était une bulle, un temps suspendu : avec ma mère qui est capable de bouger, d'interagir avec les autres de manière très appropriée, j'ai fait un séjour à Paris, chez moi, dans mon univers. On a pris un pot avec Joëlle rencontrée par hasard dans notre rue. Avec Rocio, on a visité l'expo de Sophie et rencontré Jude. On a revu Nathalie et rencontré pour la première fois notre voisin et ses filles pour un thé et des cookies maison. On a passé du temps avec EJ et Gabriel. Elle était simplement ma mère, en interaction avec le monde et les autres, avec mon aide bien sûr, mais pleinement elle-même dans ces moments.

Après réflexion, j'ai envie de dire à mon père: "Non, je ne l'ai pas fait que pour moi. Je l'ai fait pour elle, pour nous et aussi pour moi".

kelloucq le 13.06.25 à 16:24 dans Actualités - Version imprimable
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