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Les Kelloucq en voyage

Maison vide




















"Mardi, mes parents se sont installés pour l'été dans une maison de retraite." Phrase très simple avec sujet, verbe, compléments circonstanciels de temps et de lieu si on faisait un exercice de grammaire.

On pourrait ajouter d'autres compléments pour donner plus de précisions et de sens à cette phrase : un complément de manière ("pas de gaîté de coeur"), de cause ("en raison de la lourdeur de l'aide nécessaire pour qu'ils restent vivre chez eux"), de but ("pour avoir plus de variété dans leur vie et pour que nous puissions prendre un peu de repos après 10 mois sur le pont"). Je viens d'apprendre qu'il existait un autre complément circonstanciel : de concession ("malgré leur manque d'envie" comme dans "ils se sont installés dans une maison de retraite, malgré leur manque d'envie").

D'ailleurs, écrire "ils se sont installés" est un peu un abus de langage car la voix active implique un acte volontaire de leur part dont ils auraient été les agents. Il serait plus juste sans doute d'utiliser une fois active avec d'autres agents et d'écrire "Mardi, nous avons installé mes parents dans une maison de retraite pour l'été". Ou bien carrément d'écrire "Mes parents ont été installés dans une maison de retraite par nous pour l'été".

Si on passe aux maths, je pense que mon cerveau est à 75% convaincu que c'est la bonne décision parce que des aidants épuisés sont un double danger, pour les personnes aidés et pour eux-mêmes. Mais il reste ces 25% de mon cerveau qui me disent que c'est horrible, que je suis égoïste, que cette décision leur sera délétère.

Et ce n'est pas ma mère qui aide à apaiser mon sentiment de culpabilité. Elle qui en chemin nous a répété en boucle des phrases comme : "On n'a jamais fait ça dans la famille" (c'est faux d'ailleurs, elle-même "a fait ça" à sa propre mère), "Si c'est pour finir comme ça, je préfère crever vite",...Et toujours pas elle qui ce soir, au téléphone, a refusé très séchement de me parler en exprimant bien haut sa colère.

Et mon père enfonce aussi le couteau dans la plaie en me disant au téléphone chaque fois qu'on se parle que "Ca ne va pas pouvoir durer, on va rentrer" parce qu'il a beaucoup de mal à cohabiter avec ma mère, complètement perdue, en boucle et impossible à apaiser, surtout pour quelqu'un qui n'est pas au mieux de sa forme lui même.

Longtemps, il a été celui qui, au quotidien, devait tranquilliser ma mère, lui répéter les choses, la faire sortir des ornières dans lesquelles elle s'enfonce. Mais depuis 10 mois, ce sont nous qui avons pris ce rôle, épargnant beaucoup mon père. Depuis 5 jours, il est de nouveau en première ligne avec un effet boomerang qui doit être terrible. Et en même temps, il a perdu cette position privilégiée où une, deux, voire trois personnes accourraient dès qu'il exprimait le moindre besoin. Les deux effets combinés doivent être assez dévastateurs.

Et là dessus, je vais aller dormir car, depuis mardi, la fatigue accumulée semble me tomber dessus en force. Je vais aller dormir dans cette maison qui était pleine et qui est désormais vide. Et demain, j'irai leur rendre visite pour la première fois, je déjeunerai avec eux, je prendrai la température.


kelloucq le 05.07.25 à 23:22 dans Actualités - Version imprimable
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