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Les Kelloucq en voyage

L'heure des comptes, 1er épisode

Ce n’est pas un mystère : je suis rentrée en France me faire soigner parce que le coût de la santé aux Etats-Unis est exorbitant. Je vais vous donner des détails pour mieux saisir la grande disparité entre les deux systèmes. Mais pour commencer, une petite précision. La seule personne qui m’ait posé la question franco est une charmante et assez lointaine cousine de plus de 90 ans à qui je rendais visite pendant mon séjour médical en France. « Mais comment se fait-il que tu sois couverte par la Sécurité Sociale alors que tu vis aux Etats-Unis ? ». Bonne question, merci de l’avoir posée. Tout simplement parce que la grande majorité de mes employeurs sont français et que je contribue à tous les prélèvements classiques sur chacune de mes feuilles de paie. Je suis donc assurée sociale en France, ce dont je suis infiniment reconnaissante.

Maintenant rentrons dans les chiffres purs et durs. En Californie, j’ai vu une infirmière gynéco et j’ai fait une mammographie/échographie dès la découverte du petit « grumeau » finalement pas si anodin. Ces deux épisodes m’ont coûté 212 dollars pour la visite et 808 dollars pour les tests.

Quand on demande à connaître le coût de la visite en prenant rendez-vous, personne ne peut vous répondre. Quand on sort du rendez-vous, rien à payer et toujours aucune information disponible sur le coût. On a presque l’impression d’être indécente en posant cette question à répétition.

Arrive ensuite une lettre de l’assurance. Nous en avons une qui nous coûte 292 dollars (230 euros) par mois pour nous quatre. Elle est considérée comme une « catastrophic insurance » et en gros il faut dépenser plusieurs milliers de dollars de sa poche avant qu’elle n’entre en jeu. Evidemment en cas d’accident ou de maladie, on dépasse cette somme très rapidement. Dans sa lettre, l’assurance explique que les frais engagés – on a enfin la somme exacte de 352 dollars (276 euros)  – ne sont pas couverts. A moi donc de payer 100% de la visite. A titre de comparaison, une consultation avec une gynécologue en France coûte typiquement 28 euros. Je rappelle que, pour 276 euros, je n’ai même pas vu un docteur, mais une infirmière spécialisée.

Prochaine étape, je rappelle le bureau médical et j’apprends qu’il y a une réduction prévue pour les patients qui paient leurs factures sous 30 jours. Au point où on en est, j’ai moins de 24 heures pour venir leur déposer un acompte de 100 dollars et garantir ce tarif promotionnel. Je saute dans ma voiture et file au cabinet médical avec mon chéquier et une vague impression d’être dans un deal louche. Dans le cas de la visite avec l’infirmière, la facture passera ainsi des 352 dollars initiaux aux 212 dollars que j’ai payés au final ! Soit une « ristourne » de 40%.

Quand je me rends à mon rendez-vous pour la mammographie et l’échographie, je suis déjà un peu plus circonspecte. D’ailleurs, avant même de voir le personnel médical, je passe par le bureau d’une « conseillère financière ». On décide ensemble qu’on va faire « comme si », comme si je n’étais pas assurée. De cette façon, je vais bénéficier d’une réduction de 44% auquel s’ajouteront 20% si je paie sous 30 jours après réception de la facture. Je ne pense pas que les assurés français sont habitués à ce genre de marchandages dans les cabinets d’analyse ou de radiologie, chez leur médecin ou à l’hôpital. Mais ici, je commence à comprendre que c'est la norme.

Si vous êtes bons en maths, vous voyez que j’ai maintenant dépensé 1 020 dollars, c’est-à-dire 803 euros. D’un point de vue médical, je sais qu’il y a un souci potentiel, mais les images ne sont pas assez claires pour être 100% sûrs. On me recommande très vivement une biopsie pour en avoir le cœur net. Mais après quelques allers-retours avec Denise, ma « conseillère financière » qui me donne un faux espoir en m’annonçant la biopsie à « seulement » 1000 dollars, la triste vérité est qu’elle s’est trompée d’un zéro. Denise est une vraie comique. En fait, il faut compter 10 681 dollars. Enfin avec les ristournes habituelles, on arriverait quand même presque à 5 000 dollars. 

Non, je ne suis pas dans une clinique de luxe. Je suis au Carol Ann Read Breast Health Center, une unité spécialisée dans le diagnostic des cancers du sein dans un hôpital tout à fait classique qui fait partie du réseau de mon assureur (Anthem Blue Cross). Ce centre existe par la volonté et le financement de départ de la famille de Carol Ann Read, une résidente d’Orinda qui est morte d’un cancer du sein. Comme quoi la philanthropie est nécessaire, mais pas suffisante à rendre la santé réellement abordable.

Comme tous ces chiffres sont un peu indigestes, on va arrêter là pour le moment. La suite au prochain épisode où sera révélé le prix d’une biopsie du sein en France…

kelloucq le 11.01.12 à 15:09 dans Actualités - Version imprimable
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