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Les Kelloucq en voyage

A l’écoute des proches aidants : du répit à la rêverie






















A l'écoute des proches aidants : du répit à la rêverie, Hélène Viennet (Seli Arslan, 2020)

Voici quelques citations qui m'ont frappée dans ce livre magnifique.


p. 102

« Le pédiatre oncologue Matthias Schelll propose la définition suivante du répit:

(C’est) un besoin naturel d’un lieu ou d’un temps de repos, ressenti ou non, d’une personne placée dans une situation pénible, contraignante et continue, face à des douleurs et des symptômes difficilement soulagés, sans possibilité de rupture.


Etablir le répit en tant que « besoin naturel » c’est monter que ce souhait n’a rien de pathologique ; ce n’est être ni malade, ni malveillant que d’en ressentir le besoin. »


p. 105

Un répit pour qui?

Un répit pour les personnes accompagnées

« Etre malade, immobilisé, être dépendant d’autrui, c’est entendre de loin les bruissements de la maison, c’est être présent sans pouvoir être actif, c’est laisser sa place à l’autre pour cuisiner, faire le ménage, organiser la vie quotidienne. Etre dans une telle situation oblige à des adaptations et souvent à des renoncements, car rien n’est jamais fait comme nous aurions aimé le faire nous-même. Ainsi, le lavabo n’est jamais tout à fait assez propre, le café toujours trop froid ou trop fort, la soupe a un goût bizarre, les draps ne sont pas assez tirés, etc.

Etre malade, dépendant, c’est sentir que l’on dérange, que l’on empêche la réalisation des projets, qu’à cause de nous tout est bouleversé.

Etre malade, dépendant, c’est entendre au loin des bruits familiers. Cela peut être rassurant et propice à la rêverie si l’atmosphère de la maison n’est pas trop électrique (tendue, anxieuse, angoissée), mais devient vite intolérable lorsque tout est tension et fatigue. Tenir, faire bonne figure peut être bien souvent épuisant et demander ou accepter de l’aide peut être intolérable tant la peur est grande de rajouter stress et déséquilibre. Il devient si difficile de dire ses ressentis. Comment nommer, énoncer, partager ce que l’on ressent? »



p.107

Un répit pour qui?

Un répit pour les personnes proches

« En outre, comme déjà indiqué, demander de l’aide pour soi-même en tant qu’aidant semble souvent incongru : « Ce n’est pas moi qui ai besoin, c’est lui/elle ». Par conséquent, il est fréquent que les proches se négligent. Ils ne s’accordent pas beaucoup d’importance et remettent au lendemain le soin de leurs douleurs qu’ils minimisent.

C’est souvent en allant au-devant d’eux, non pas pour leur proposer de l’aide mais afin qu’ils parlent de leur parent malade, handicapé et/ou dépendant qu’ils pourront, petit à petit, évoquer leurs difficultés personnelles. C’est en parlant d’abord de leur proche malade, handicapé, dépendant, vieillissant, de leur proche dont ils se préoccupent jour et nuit que les aidants pourront parler d’eux-mêmes. Il est aussi essentiel d’aller vers eux sans leur assener qu’il faut qu’ils se reposent, qu’ils ont absolument besoin d’aide et ne peuvent plus faire seuls ; cela ouvre de nouvelles perspectives. En effet, les proches savent bien qu’ils ont besoin de se reposer, mais ils ne savent pas comment faire. Si l’on va vers eux pour leur demander comment ils se sentent, leur premier mouvement sera souvent de dire : « Tout va bien » tant ils ont peur d’être jugés. « Moi, fatiguée, lasse ou énervée? Jamais! ».

Lorsque les proches parlent enfin d’eux-mêmes et demandent de l’aide, entendons-les vraiment et tentons de leur répondre. Mais prenons aussi toujours le temps de les entendre avant de faire. Les proches ont besoin pour parler, d’être approchés avec délicatesse, d’être soutenus. Ils ont besoin de partager afin de découvrir ce qui pourrait les soulager. Ils sont si sollicités, si indispensables et si peu reconnus. Eux-mêmes seront alors souvent surpris par tout ce qu’ils pourront énoncer. »



p.109

Un répit pour qui?

Un répit pour les soignants

« Il peut également être usant de constater chaque jour l’aggravation de l’état de santé des patients malgré les chimiothérapies et autres traitements lourds, de se sentir impuissants, incompétents ou si las.

Parfois la simple perspective d’un ailleurs, d’un autre lieu possible pour le patient ou ses proches peut ouvrir, pour les soignants, un espace permettant de penser…

Evoquer un tel projet entre les différents membres d’une équipe redonne du mouvement et permet d’éviter que la maison ou le service soit englué dans une répétition mortifère. Si celui dont on s’occupe n’est plus ni vu, ni entendu avec étonnement, si ses demandes ou ses réactions sont toujours déjà attendues, le désir s’étiole. L’immuabilité de la situation risque de couper de la surprise de la rencontre. »


p. 117

Se protéger de la violence de ses émotions

La terreur face aux éprouvés

« La maladie, le handicap, la dépendance représentent une entrave pour la personne concernée et pour tout l’entourage. C’est une entrave physique - car il n’est plus possible de faire les mêmes choses - et une entrave psychique.

La maladie, l’état de dépendance confrontent à mille pensées inexprimables, inavouables, des pensées qui font peur, qui parfois se transforment en passage à l’acte, surtout s’il y a aucune oreille pour venir les y déposer. Que faire de toutes ces pensées qui assaillent, de tous mots si durs que l’on préférerait n’avoir jamais prononcés, de tous ces gestes que l’on regrette ensuite? Et comme nous l’avons vu, ces pensées, à l’origine de la nécessité d’un projet de répit, concernent aussi bien la personne aidée, sa famille, l’entourage que les aidants.

Rage, injustice, tristesse, colère, étonnement, fragilité, force, bonheur, peur, dégoût, espoir, surprise, fatigue, épuisement, fierté, confiance, joie, honte, soulagement : tous ces affects débordants, ces éprouvés sont bien complexes et intriqués. Sans chercher à les canaliser, sans chercher immédiatement à apaiser ou trouver des solutions, il convient d’abord d’être à l’écoute. Cela permettra de repérer les organisations bancales mais qui marchent, de sentir dans l’atmosphère ce qui tient et ce qui craque. »



p. 147

« Lorsqu’une personne aidée et sa famille font l’expérience intime que quelqu’un peut s’intéresser aux « petits riens » qui font la vie et aussi entendre, comprendre, ne pas s’affoler, contenir, soutenir, reconnaître efforts, ennuis, mauvaises pensées ou rêves encombrants, la fenêtre s’ouvre sur des rêveries partagées révélant que les mystères intimes peuvent devenir plus lumineux.

Les proches aidants, moins terrorisés par leurs cauchemars diurnes, par leurs cauchemars nocturnes et par leurs rêves les plus fous, ouvrent alors, avec un autre, un espace de rêverie qui redynamise l’étonnement de la vie. »


« La rêverie est définie par le Larousse comme « une activité mentale dirigée vers des pensées vagues, sans but précis ». Etre perdu dans de continuelles rêveries, c’est se trouver dans une sorte d’état de rêve éveillé où l’imagination sinueuse associe librement, sans s’attacher à une image en particulier, comme si l’âme flottait. La rêverie vagabonde, crée ce qu’elle rêve, procure un autre rapport au monde et à soi. »



p. 151

Comment retrouver un espace de rêverie?

« Du fond de son lit, le malade, la personne alitée, immobilisée, est comme exilé du monde. Contraint par son corps douloureux, trop faible, ses rêveries deviennent de plus en plus impossibles.

Le proche, assigné à rester à la maison, semble lui aussi souvent perdre sa faculté de rêverie. Mais est-ce vraiment le cas? N’est-ce pas plutôt la capacité de savoir qu’il a encore des rêveries qui lui fait défaut?

La pratique m’a appris que les rêveries pourront se retrouver si celui qui vit au quotidien l’expérience si extra-ordinaire d’accompagner rencontre un autre pour la partager. Car les rêveries - faites d’images qui affluent sans capacité parfois de les penser - peuvent être comme en attente d’un autre rêveur permettant de les rêver ; d’ « un penseur pour les penser ». »


p. 159

 

« De son côté, le proche suffisamment bon sera celui qui supportera une part d’incompréhension, d’imperfection, d’inadéquation, mais qui sera toujours accueillant à ce qu’exprime avec son corps, ses maux ou ses mots ce malade-là. Les ressentis négatifs projetés pourront être accueillis et pourront se convertir.» 

kelloucq le 02.12.25 à 21:44 dans Actualités - Version imprimable
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