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Les Kelloucq en voyage

Au coeur d’une radiothérapie

  


 
















Je vais entrer un peu dans les détails parce que je me rends compte que beaucoup de personnes autour de moi se posent et me posent des questions. Avant que la radiothérapie ne devienne mon nouveau « normal », je n’avais pas non plus la moindre idée. Je ne suis pas médecin, c’est la patiente qui vous raconte. L’idée de la radiothérapie est de bombarder avec des rayons X les cellules cancéreuses qui pourraient rester après la chirurgie. Tout l’art de l’exercice est de doser les rayons pour détruire les « mauvaises » cellules sans trop attaquer les organes sains autour. Quand je suis en train de recevoir les rayons, j’imagine que ces rayons invisibles sont en train de dégommer l’ennemi à raison de 2 grays, l’unité de mesure des doses de radiations, par jour.

 

Pendant la toute première séance sous le scanner dosimétrique, l’équipe met en place les champs d’irradiation à partir de savants calculs. Très concrètement, cette séance a laissé des traces indélébiles : 4 minuscules points de tatouage qui permettent tous les jours de me positionner parfaitement sous la machine. Heureusement qu’une amie m’avait prévenue. Voilà un petit signe de reconnaissance entre « rescapés ».

 

Les séances elles-mêmes, tous les jours de la semaine, sont très courtes et le ballet des patients très organisé. Il suffit d’une quinzaine de minutes pour laisser ses affaires dans une des deux cabines à l’entrée de la salle de traitement, s’installer sur la table torse nu, recevoir sa dose et se rhabiller. L’objet central de la pièce est une sorte de bras rotatif muni d’une grosse tête et une table sur laquelle je m’allonge sur le dos, un coussin sous les genoux et les bras au-dessus de la tête dans deux espaces prévus pour les garder en position confortablement. C’est un peu comme s’installer sur la plage pour une séance de bronzage…

 

Les yeux sur un écran qui leur fournit les données de chaque patient, deux manipulateurs/manipulatrices s’affairent avec leurs mètres pour aligner parfaitement le corps sous la machine. Ils mettent la table à bonne hauteur, alignent les tatouages contre des faisceaux lumineux qui s’affichent sur la peau et s’assurent que la partie irradiée est parfaitement en place en se lançant des chiffres ésotériques. Tous ces gens sont toujours très sympas et gardent une distance idéale. Il se crée une routine assez étrange et confortable au fil des séances.

 

Une fois satisfaits, les manipulateurs quittent la salle pour rejoindre le poste de contrôle derrière une grosse porte blindée. Pas question pour eux d’être exposés à des rayons toute la journée, jour après jour. « A tout de suite », lancent-ils, toujours rassurants et légers. Grâce à une caméra et à micro, on reste en contact chacun de son côté de la porte. Pendant que je regarde le plafond, des lumières à la périphérie de ma vision passent du rouge au vert, un bruit sourd comme une sirène retentit et la « tête » de la machine commence à orbiter autour de moi. Je la suis des yeux, plongeant mon regard dans un sas vitré quand il passe au-dessus de moi. C’est de là que sortent ces fameux rayons qui doivent m’aider, mais je ne vois rien.

 

Pendant les premiers jours, j’aurais pu me dire qu’il ne se passait rien, que la radiothérapie n’était qu’une pensée magique, un placebo, un rituel de shaman moderne. Mais finalement, une zone rectangulaire dont mon sein droit est le centre a commencé à rosir, peut-être même à rougir. C’est tout à fait supportable, un beau coup de soleil qui parfois démange légèrement sous le frottement des vêtements. Vêtements 100% coton pour plus de douceur. Des applications généreuses de crème aident bien. Pour l’instant, je n’ai pas eu recours à mes deux coupeuses de feu familiales, principalement parce que je veux donner une chance à la plus jeune d’entre elles de s’exercer sur moi et qu’elle est un peu loin. Mais aussi parce que je n’en ai pas éprouvé un besoin urgent. Je ne suis pas maso !

 

En quelques minutes, c’est fini. Les manipulateurs reviennent dans la salle. Souvent, ils annoncent « Vous pouvez baisser les bras. » Dans ma tête et parfois à voix haute, je réponds « Non, il n’en est pas question. » Je remets mon tee-shirt et je descends de la table. « A demain ». Aujourd’hui, j’en suis à 23 séances. Plus que 7 séances. La semaine prochaine, on finit par la semaine « booster » qui va irradier plus spécifiquement la zone de la tumeur, de la cicatrice à une dose un peu plus élevée de 2,5 grays par jour pour un total d’un peu plus de 60 grays au final (qui veut s’asseoir à côté de moi pour le réveillon de Noël ?). Un bon coup dans les gencives de toute cellule cancéreuse qui s’accrocherait encore. 

kelloucq le 13.12.11 à 05:48 dans Actualités - Version imprimable
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